Médiatiquement, la femme connait un essor incomparable dans presque tous les domaines. Au Maroc, on retrouve des femmes chefs de parti ( Mme MOUNIB Nabila .. ), à la tête de grands centres commerciaux ( Mme Salwa IDRISSI AKHANNOUCH .. ), au sommet de l’entreprenariat ( Mme Meryem BENSALEH CHAQROUN ) … Et toujours médiatiquement parlant, je ne pouvais espérer de plus : la femme a envahi ces domaines qu’on ne croyait , jadis, réservés qu’aux hommes. Autant qu’humaniste, (version plus tolérable par les hommes que féministe), j’étais satisfaite, jusqu’à ce que les chiffres et statistiques me renvoient sur Terre.
En effet, selon l’indice international de l’écart du genre, le taux de participation féminine à l’activité économique a baissé de 5% : de 30% en 1995 à 25% en 2012. Une baisse malgré tous les projets de loi, les textes de loi, les appels à la féminisation de l’Etat, les conventions internationales signées … Une baisse qui confirme encore une fois le manque de synchronisme entre le temps juridique et sociologique au Maroc. Effectivement, la société ne change pas par décret : en plus de l’accumulation de lois et engagements, un travail doit être fait sur terrain afin de concrétiser ces signatures. Un travail qui doit se concentrer sur l’éradication des préjugés sexistes, des habitudes ancrées dans la population en rapport avec la société patriarcale, qui doit d’abord, expliquer ce qu’est une discrimination à l’égard des femmes. L’ONU l’a définie comme étant « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe et qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, et civil ou dans tout autre domaine. » CEDEF. Cette définition date de 1979, mais elle est toujours valable de nos jours, avec une nouvelle sémiologie, en effet, on ne parle plus de discrimination entre les sexes mais plutôt entre les genres : le mot sexe se limite aux caractéristiques biologiques et physiques, tandis que genre s’étend aux rôles déterminés socialement, aux comportements et activités de l’homme et la femme. Revenons sur la participation féminine à l’activité économique, en plus du pourcentage choquant cité dessus, s’ajoutent d’autres statistiques qui ne font que refléter la galère dans laquelle le Maroc est : seulement 18% des femmes urbaines travaillent contre 36% pour les femmes rurales. Ces dernières, malgré leur taux élevé (par rapport à leurs homologues citadines) vivent une situation à ne pas envier. En fait, 94% d’elles sont actives dans le secteur agricole, non rémunérées (sorte de travail forcé), et débutent leur « carrière » avant 15ans ce qui les prive de leur scolarité. Mais la femme rurale constitue un autre chapitre. Sur les 18% des femmes urbaines, 7/10 d’entre elles sont peu ou pas qualifiées, avec une réduction au niveau du salaire de 27% par rapport aux hommes, et un taux de chômage supérieur à celui des hommes de 15% (75% contre 60% selon les estimations du cahier des plans), mais le comble de la situation c’est que l’Etat ne considère pas ce chômage comme en étant un : selon le code de la famille, c’est l’homme qui doit subvenir aux besoins, et la femme peut contribuer.. Une littérature juridique qui ne fait qu’ancrer cette infériorité que ressent la femme devant l’homme. Cette infériorité se ressent même au niveau des occasions de travail, en effet, le fait d’être femme en est le premier obstacle, le statut matrimonial en est le second et enfin être mère, malheureusement, en est le majeur. La conciliation entre vie professionnelle et familiale n’est aucunement prise en charge par les politiques publiques, et le manque des garderies des enfants dans les structures publiques, privées ou à domicile en est la preuve. En plus des chances limitées, les femmes travaillent surtout dans des secteurs (textile et agro alimentation) exposés à la discrimination et la dévalorisation : faible protection des droits et absence de couverture par les systèmes obligatoires de sécurité sociale.S’ajoute à cela la faible présence des femmes aux postes de responsabilité, notamment au ministère de l’intérieur où sa représentativité ne dépasse pas les 8% !
Alors, le Maroc est un bel exemple pour certifier que l’existence de lois ne suffit pas à en garantir l’effectivité. Un travail de fond doit être réalisé, car, non seulement ces femmes seront vulnérables et plus sujettes à la violence, mais cette discrimination tend à reproduire et perpétuer les inégalités sociales à travers les générations.
Pour conclure, je voudrais m’adresser aux Media : certes, vous essayez de montrer ce que la femme est capable d’achever, de devenir et tout simplement ce que la femme est, mais ne négligez pas ces femmes dans les campagnes, les bidonvilles, et même dans les villes, elles sont nombreuses et vulnérables, elles ont besoin de faire entendre leurs voix et souffrances.
Arrêtez de faire croire aux gens que : « العام زين » !
SAOUD IZEM Sarah
Références :
CESEM Policy paper, mars 2013
Rapport du CES sur » la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie sociale, économique, culturelle et politique » 2012